Le combat est-il équitable quand il s’agit de prouver les comportements fautifs d’un employé, selon s’il travaille dans le secteur public ou le secteur privé ? La question peut se poser quand on étudie en synthèse la jurisprudence en la matière.

La position de la chambre sociale de la Cour de cassation

Elle n’a jamais varié…
Le contrôle des salariés suppose une condition indispensable : la proportionnalité. Les filatures sont de fait considérées disproportionnées par rapports aux intérêts légitimes de l’employeur.

Cass. Soc. 22 mai 1995, n°93-44.078
« (…) Si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de son personnel durant le temps de travail, il ne peut mettre en oeuvre un dispositif de contrôle qui n’a pas été porté préalablement à la connaissance des salariés. Dès lors, c’est à bon droit qu’une cour d’appel, ayant relevé que l’employeur avait fait suivre par un détective privé un salarié, donc à l’insu de celui-ci, a décidé que les comptes rendus de filature constituaient un moyen de preuve illicite (…)« 

Cass. Soc. 26 novembre 2002, n°00-42.401
« (…) une filature organisée par l’employeur pour surveiller l’activité d’un salarié constitue un moyen de preuve illicite dès lors qu’elle implique nécessairement une atteinte à la vie privée de ce dernier, insusceptible d’être justifiée, eu égard à son caractère disproportionné, par les intérêts légitimes de l’employeur (…)« 

La position du Conseil d’État

Le Conseil d’État a une position différente quand il s’agit d’un fonctionnaire ou d’un agent non-titulaire de droit public. En effet, un arrêt du 16 juillet 2014 (section du contentieux n°355201) a estimé qu’en l’absence de disposition législative, l’employeur public pouvait apporter au juge la preuve d’une faute commise par l’un de ses agents par tout moyen, y compris les surveillances d’un détective privé, mais qu’il convenait cependant que le principe de loyauté soit respecté. Ce principe de loyauté est – toujours selon la plus haute juridiction administrative – respecté dans la mesure où le détective privé effectue des constatations dans des lieux ouverts au public, dans un temps proportionné aux intérêts de l’entreprise et si l’agent public n’a pas été incité à fauter.

« En l’absence de disposition législative contraire, l’autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d’établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen. »

Le Conseil d’État a également indiqué que : « Le fait pour une commune de faire appel à une agence de détectives privés afin d’établir qu’un agent exerçait sans autorisation une activité lucrative privée ne traduit pas un manquement de la commune à son obligation de loyauté vis-à-vis de son agent. »

Que doit-on en déduire ?

Le Conseil d’État ne s’est pas orienté vers l’approche rigoureuse de la chambre sociale de la Cour de Cassation.

Pour autant, si nous reprenons le principe posé par le Conseil d’État :

« (…) En l’absence de disposition législative contraire, l’autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d’établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen ; que toutefois, tout employeur public est tenu, vis-à-vis de ses agents, à une obligation de loyauté ; qu’il ne saurait, par suite, fonder sa sanction disciplinaire à l’encontre de l’un de ses agents sur des pièces ou documents qu’il a obtenus en méconnaissance de cette obligation, sauf si un intérêt public le justifie ; qu’il appartient au juge administratif, saisi d’une sanction disciplinaire prononcée à l’encontre d’un agent public, d’en apprécier la légalité au regard des seuls pièces ou documents que l’autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir (…)« 

En consacrant l’obligation de loyauté de l’employeur public envers ses agents, l’arrêt maintient tout de même un lien étroit avec la jurisprudence sociale puisque le juge judiciaire décide lui aussi en fonction de la loyauté dans les relations de travail qui privent l’employeur d’utiliser des stratagèmes à l’encontre de ses salariés.
Mais, force est de constater que l’amplitude de mouvement est plus aisée pour les détectives dans le secteur public qui exclut le code du travail. Dans le cas d’espèce, le Conseil d’État aurait-il considéré, aussi, qu’il n’y a pas d’immixtion disproportionnée dans la vie privée d’un fonctionnaire au regard de l’intérêt collectif ?